Lorsqu’on apprend à jouer aux échecs, on comprend rapidement qu’une Reine est beaucoup plus forte qu’un Cavalier ou un Fou. Bien sûr tout cela reste empirique au départ, mais on sent bien cette supériorité lors des premières parties. Puis, si on se met sérieusement à s’intéresser à ce jeu, on nous apprend un beau jour qu’un Cavalier vaut 3 points, un Fou vaut 3 points également, une Tour vaut 5 points et une Reine vaut 9 points. (voir par exemple cet article).
Je me souviens avoir longtemps été intrigué par ces valeurs un peu tombées du ciel. Si vous aussi êtes dans ce cas, et que vous souhaitez comprendre pourquoi ces valeurs, cet article vise à vous sortir de l’ombre pour vous emmener tout droit vers la lumière. Autrement dit, et pour parler plus sérieusement, voici une explication mathématique de cette estimation de la valeur des pièces au jeu d’échecs.
Mise en place de la modélisation
On commence par choisir une pièce. On étudiera successivement le cas de la Tour (T), du Cavalier (C), du Fou (F) puis de la Dame (D). Une fois la pièce choisie pour être étudiée, on considère l’expérience aléatoire qui consiste à placer au hasard cette pièce sur l’une des 64 cases de l’échiquier puis à placer le roi sur l’une de 63 cases restantes. On suppose que le placement des pièces se fait de manière équiprobable. Le but est de calculer la probabilité p que la pièce mette le Roi en échec.
Dans le cas de l’expérience effectuée avec la Tour, on notera la probabilité calculée. De même, on calculera
et
afin, au final, d’attribuer une valeur à chacune des pièces reflétant sa puissance sur l’échiquier.
L’univers
Avant de parler de probabilité, il est nécessaire d’exprimer l’univers associé à cette expérience. On peut modéliser chaque tirage de cette expérience par un couple (x,y) où x représente la position de la pièce et y représente la position du Roi. L’univers est donc l’ensemble de ces couples.
Il y a 64 possibilités pour x. Une fois que la pièce est posée, il ne reste plus que 63 possibilités pour le Roi. Il y a donc au final 64×63 couples possibles (autrement dit, c’est le nombre de tirages possibles).
Notre univers contient donc 4032 éléments.
Dans la suite, pour des raisons de commodité, toutes les probabilités seront mises sous la forme d’une fraction dont le dénominateur est 36.
Cas de la Tour
Commençons par le cas le plus simple, celui d’une Tour placée aléatoirement sur l’échiquier. C’est le cas le plus simple car quelque soit sa position, la Tour attaque (on dit aussi qu’elle contrôle) toujours le même nombre de case: 14.
La raison en est simple: puisqu’elle ne peut se déplacer qu’horizontalement ou verticalement, elle contrôle sept cases sur la ligne sur laquelle elle se trouve et sept cases sur la colonne sur laquelle elle se trouve.
Dans l’exemple ci-dessus, pour ce placement précis de la Tour (sur la case c6 pour ceux qui connaissent la notation algébrique), il y a 14 cases possibles sur lesquelles placer le Roi pour que la Tour mette celui-là en échec.
La probabilité cherchée est donc:
On a donc .
Cas du Cavalier
Ca commence à se compliquer. Tout simplement car le Cavalier ne contrôle pas autant de cases qu’il soit au centre de l’échiquier ou sur le bord (d’ailleurs, c’est pour cette raison que la maîtrise des cases centrales est un des principes fondamentaux aux échecs: un Cavalier, un Fou ou une Dame contrôlent plus de cases lorsqu’ils sont au centre. J’espère que cet article vous permettra d’en prendre conscience).
Pour savoir combien de cases attaque un Cavalier en fonction de sa position, il faut tester toutes les positions. Les possibilités sont les suivantes: le Cavalier contrôle soit 2, 3, 4, 6 ou 8 cases en fonction de là où il se trouve. Ceci est résumé dans les schémas suivants:

Voici les 4 positions pour lesquelles le Cavalier contrôle exactement deux cases. Pour mieux visualiser, on a représenté pour un des Cavaliers (coloré en noir) quelles sont les cases contrôlées (les points noirs).

Enfin, voici les 16 positions pour lesquelles le Cavalier est le plus puissant et contrôle majestueusement 8 cases.
Nous pouvons donc calculer la probabilité que le Cavalier mette en échec le Roi placé aléatoirement:
On a donc
Cas du fou
Le nombre de cases qu’un Fou contrôle dépend de « l’anneau » sur lequel il se trouve sur l’échiquier. Qu’appelons-nous anneau ? Un bon schéma valant plus qu’un long discours, la figure suivante décrit les 4 anneaux qui partitionnent un échiquier:

Un échiquier se décompose en quatre anneaux: le plus grand anneau (n°1) est composé de 28 cases. L'anneau n°2 possède 20 cases. L'anneau 3 possède 12 cases. Enfin le dernier anneau (aussi appelé le centre) a 4 cases.
Il se trouve que deux Fous placés sur un même anneau contrôlent le même nombre de cases. Il suffit donc d’étudier pour chaque anneau le nombre de cases attaquées par un Fou placé sur celui-ci.
En résumé, un Fou posé sur l’échiquier vide contrôle soit 7, 9, 11 ou 13 cases. La probabilité qu’un Fou mette le Roi en échec est donc la suivante:
Donc .
Cas de la Reine
Le cas de la Reine est plus simple, puisqu’on a déjà fait le travail avant. Une Reine possède à la fois les déplacements d’une Tour et d’un Fou. Les déplacements d’une Tour et d’un Fou étant incompatibles, la probabilité que la Reine mette le Roi en échec est la somme des probabilités et
. D’où:
Comparaisons
Comme on s’y attendait, la probabilité la plus grande est obtenue par la Reine. Puis par la Tour. Ensuite le Fou et enfin le Cavalier. Si on normalise proportionnellement ces valeurs à partir de la base Cavalier = 3, on obtient le tableau suivant:
On se rend compte qu’il y a une différence non négligeable avec les valeurs empiriques usuelles aux échecs (qui sont je le rappelle 3, 3, 5 et 9).
Une explication à cela est qu’il existe des types d’échec au Roi qui sont de « faux » échecs. Lorsque la pièce qui met le Roi en échec est située sur une case adjacente à celle de son Altesse, elle peut être mangée. Dans le calcul des probabilités il faudrait donc ne pas prendre en compte toutes les positions pour lesquelles le Roi est situé juste à côté de la pièce qui met en échec. De telles positions s’appellent des « échecs sûrs ».
Je vous épargne les calculs (à partir des raisonnements précédents et en les adaptant, vous pouvez le faire par vous-même pour vérifier ! ) et les probabilités obtenues sont alors:
(Il est normal de trouver la même probabilité puisque tout échec par un Cavalier est un échec sûr.)
Et là, ô miracle, les valeurs trouvées pour la valeur du Cavalier, du Fou, de la Tour et de la Reine sont respectivement: 3; 3,25; 6 et 9,25. Ces valeurs sont plus proches de celles qu’on apprend aux joueurs débutants. Nous voilà donc quelque peu rassurés.
Cependant, il ne faut pas oublier qu’aux échecs, c’est la position qui compte, et un Cavalier peut avoir une valeur supérieure à une Tour dans certains cas, mais ce n’est pas l’objet de ce blog…
P.S: je vous souhaite une bonne année puisqu’il s’agit du premier article de ce blog pour l’année 2012 ! Il n’est jamais trop tard paraît-il !
Pour un autre article de ce blog concernant le (si beau) jeu d’échecs, se rendre par ici.
Mon Blog(fermaton.over-blog.com),No-29, – THÉORÈME CRÉATION. – INVITATION À LA DANCE.
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Mon Blog(fermaton.over-blog.com),No-28, THÉORÈME DES ÉCHECS. – LE SECRET des ÉCHECS.
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Bonjour
Quelle est la valeur pour le pion ? Merci
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Bonjour,
C’est un peu plus délicat car lorsque le pion est sur la dernière rangée, il devient une autre pièce. Il faudrait donc envisager un échiquier de seulement 56 cases, et refaire les calculs… Mais personnellement, je ne pense pas que ce soit si intéressant que cela. Ce qui est sûr, c’est que la probabilité pour le pion sera bien plus petite que pour les autres pièces car un pion n’attaque que deux cases (voire une seule case pour les pions situés sur les colonnes extrêmes).
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Très bon article.
Ceci dit j’aurais tendance à augmenter un peu plus la valeur du fou, car contrairement au cavalier, il n’est pas remplaçable. Qu’en pensez vous?
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Bien entendu, l’analyse faite dans cet article est uniquement mathématique et ne tient pas compte des nombreuses subtilités du jeu d’échecs. Donc, effectivement, on peut tout à fait augmenter cette valeur, mais la justification sera plus empirique que mathématique
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Bonjour, j’ai trouvé votre article très intéressant.
Pouvez-vous détailler les calculs concernant les échecs sûrs ?
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Bonjour, j’aimerais aussi les avoirs,
Si vous trouvez les calcules pouvez-vous me les envoyés stp
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Article bidon, ce n’est pas de cette façon que l’on doit faire la comparaison
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article très intéressant et très constructif, merci beaucoup 🙂
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Bonjour,
Très bon article merci
J’aurais juste voulu savoir pourquoi on ramène sur 36 ? Y a-t-il une raison autre que pour des commodités ?
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pouvez-vous détailler les calculs concernant les échecs sûr svp ?
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Je trouves cette article très intéressant, mais je ne comprends pas pourquoi bien que cela permet d’obtenir des valeurs cohérentes, la probabilité a pour dénominateur 36. Merci beaucoup
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